Ville de Marly-le-Roi

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Embellissement des armoires techniques de la Ville : un parcours patrimonial et artistique

Armoire décoré avenue des Combattants : terminus de la ligne du tramway Rueil-MarlyLe développement massif des réseaux de distribution d’énergie et de télécommunication des villes a eu pour conséquence une prolifération d’armoires techniques dans l’espace public. Leur destination n’invita pas leurs concepteurs à s’interroger sur leur intégration dans le paysage urbain. Depuis 2022, la Ville, soucieuse de préserver le charme de son patrimoine remarquable, tant du point de vue historique que paysager, décore un certain nombre de ces armoires d’une iconographie rappelant l’histoire ou les particularités reconnues, ou méconnues, des différents quartiers. C’est ainsi que furent livrées au talent des artistes peintres en décors Dominique Buki, Maud Scala et Piotr Jankowski, diplômés de l’école supérieure d’Art mural de Versailles, une sélection de dix-huit armoires ou bâtiments techniques. Ce guide vous propose de déambuler le long d’un tout nouveau parcours, désormais composé de 18 oeuvres destinées à éveiller la curiosité des Marlychois et non-Marlychois, sur la richesse historique des lieux qu’ils parcourent au quotidien et qui fait de Marly-le-Roi un site patrimonial incontournable.

Armoire 1 • La Machine de Marly (tableau de Pierre-Denis Martin, 1723)

> Carrefour des Droits de l’Homme : 

Les Pieds nicklelés, de Louis Forton (1879-1934), dessinateur marlychois

La construction des domaines de Versailles puis Marly, à partir respectivement de 1660 et 1679, par Louis XIV, avec ses palais entourés de vastes jardins aux multiples cascades et fontaines, dont le « Grand Jet » de Marly d’une hauteur de 40 mètres, nécessitait l’acheminement d’importantes quantités d’eau. Après avoir détourné l’eau de la Bièvre, on songea ensuite à la Seine.
La première solution technique capable de faire remonter les 140 mètres de dénivelé fut proposée à Colbert par l’ingénieur hydraulique Jacques de Manse en 1673.
Le lieu d’implantation de la machine fut déterminé non loin du port de Marly.
Si elle ne fut tout d’abord pas exécutée, ses principes furent quant à eux retenus dans le projet réalisé à partir de 1681 par l’entrepreneur liégeois Arnold de Ville et l’ingénieur Rennequin Sualem. Des travaux d’endiguement de la Seine permirent de canaliser le fleuve jusqu’à un ensemble de 14 roues à aubes de 12 mètres de diamètre. La montée des hauteurs de Bougival et Louveciennes était échelonnée en trois paliers successifs, recevant chacune un vaste bassin, jusqu’à atteindre un aqueduc, toujours visible actuellement, qui déversa jusqu’à 640 m3 d’eau par jour sur les hauteurs du domaine de Marly. La construction mobilisa 1 800 ouvriers pendant quatre ans, plus de 100 000 tonnes de bois, 17 000 tonnes de fer, 800 tonnes de plomb et autant de fonte.
Elle fut remplacée en 1817 par un système de pompes à vapeur plus robuste et performant. En 1859, un nouveau système hydraulique fut installé sous la direction de l’ingénieur Dufrayer pour un débit de 21 000 m3 d’eau par jour ! Le cours de la Seine fut finalement libéré en 1968 avec l’utilisation des actuelles électro-pompes.

 

Armoire 2 • Les Pieds nickelés, de Louis Forton (1879-1934)

> 8, avenue de l'Abreuvoir : géolocalisation

Les Pieds nicklelés, de Louis Forton (1879-1934), dessinateur marlychois

“Les Pieds nickelés” est l’œuvre du dessinateur de bande dessinée marlychois Louis Forton (1879-1934), dont la maison se situe au 50, avenue de l’Abreuvoir. En 1908, il donne naissance, pour le magazine jeunesse L’Épatant, à trois inséparables amis, Croquignol, Ribouldingue et Filochard…, les célèbres Pieds nickelés, signifiant « ceux qui ne sont pas portés sur le travail ». Ce terme d’argot avait déjà servi de titre à une pièce de théâtre de Tristan Bernard en 1895. Vivant de menus larcins et de magouilles rocambolesques, les joyeux lurons se retrouvent régulièrement en prison.
Sur la forme, Forton réussit peu à peu à imposer l’usage du phylactère, ou bulle dans l’image, alors en usage aux États-Unis, abandonnant le traditionnel texte explicatif situé sous la vignette. En rendant la lecture plus dynamique, il participe à la création de la bande dessinée moderne.
Son œuvre prend place dans la tradition française des BD humoristiques « graveleuses » imprégnées de situations et de dialogues grivois à caractère sexuel ou scatologique, suscitant les plus violentes critiques de l’établissement conservateur et progressiste de l’époque. Mais surtout, à partir de la Première Guerre mondiale durant laquelle ils ne cessent de ridiculiser les soldats de la Reichswehr, les Pieds nickelés incarnent « l’esprit français » de débrouillardise et de résistance à l’autoritarisme.
Fort de leurs 112 ans, les Pieds nickelés continuent d’interpréter les histoires d’une succession inachevée de dessinateurs, dont René Pellos de 1948 à 1981, Pierre Lacroix, élève marlychois de Louis Forton, en 1953 et 1954, jusqu’à Gérald Forton, qui prit la suite de son grand-père en 2013.

 

Armoire 3 • La tragédienne Rachel (1847)

> Rue Raoul Filhos : 

Terminus de la ligne de tramway Rueil-Marly (fin du XIXe siècle)

Fille du marchand ambulant juif alsacien Jakob Félix, dit « Jacques Félix », Élisabeth-Rachel est née le 21 février 1821 à Mumpf en Suisse. Jacques Félix s’installe à Paris en 1831 avec ses quatre enfants, dont il fait une troupe de saltimbanques.
Élisabeth-Rachel entre au théâtre du Gymnase en 1836 pour jouer des seconds rôles, très remarqués aussi bien par les critiques que par le public, et à tel point que le directeur du théâtre, Charles-Gasperd Delestre-Poirson l’envoie, à ses frais, au conservatoire d’Art dramatique. C’est ainsi qu’à l’âge de 17 ans la jeune prodige entre à la Comédie-Française. Elle y interprète les plus grands rôles du théâtre classique français et, dès 1839, la foule se presse pour admirer son « débit naturel, sa diction nette et son énergie à toute épreuve ».
Au fait de sa gloire, celle que l’on appelle désormais « Rachel » est considérée comme la plus grande tragédienne de son temps. Ses interprétations vibrantes de La Marseillaise, à partir de 1848, font d’elle l’une des figures de proue de la jeune Seconde République, laissant ces mots à Gustave Flaubert : « Les plus rustres se sont sentis émus, les plus grossiers étaient touchés, les femmes applaudissaient dans les loges, le parterre battait de ses mains sans gants, la salle trépignait. ».
Au-delà des foules, Rachel conquit également le coeur d’Alfred de Musset et du Marlychois Alexandre Dumas fils. Le comte Alexandre Colonna Walewski, fils de Napoléon Ier, l’installe dans la propriété de l’actuel lycée Louis de Broglie, où elle lui donnera un fils, Alexandre Antoine Jean Colonna Walewski II, le 3 novembre 1844.
La grande tragédienne ne négligera pas, en 1849, d’interpréter à Marly quelques pièces de théâtre, dont La Meunière de Marly. Elle décède le 3 janvier 1858 au Cannet.

 

Armoire 4 • Terminus de la ligne de tramway

> Avenue des Combattants (près de la place de l'Abreuvoir) : 

Terminus de la ligne de tramway Rueil-Marly (fin du XIXe siècle)

À la fin du XIXe siècle, la République impulse un développement important du réseau ferroviaire de la région parisienne, afin de favoriser le tourisme et de reloger les classes populaires chassées des quartiers rénovés de la capitale.
Marly profite tout particulièrement de cet aménagement avec la prolongation de la ligne de tramway reliant Rueil à Port-Marly.
Surnommée « le chemin de fer américain », cette ligne est entretenue depuis 1854 par une société privée. L’entrepreneur Eugène Tarbé des Sablons réalise la mise en service de ce tronçon supplémentaire en 1878. Le tramway part de Rueil, remonte la route de Versailles devant l’église de Port-Marly. Puis il grimpe l’avenue de l’Abreuvoir sur les bas-côtés actuels, dessert l’arrêt Saint-Fiacre, en face de la maison de Louis Forton. Il termine son parcours au pied du parc, à une station située au bas de l’avenue des Combattants.
En 1884, la création de la ligne de chemin de fer reliant Saint-Lazare à L’Étang-la-Ville vient compléter la desserte de Marly. La bourgeoisie parisienne vient se détendre en forêt et dans le parc de Marly les dimanches et jours de fête, profiter des bals et des fêtes. Au printemps, on cueille le muguet ; en automne, on récolte champignons et châtaignes. Marly devient un « village touristique », développe son économie et son habitat pavillonnaire.
À partir des années 1910, le tramway à vapeur est électrifié.
Après la Première Guerre mondiale, l’autobus, transport moins coûteux, soumet les petites lignes ferroviaires à une rude concurrence. La société de tramway, déficitaire, doit cesser son activité en 1927.

 

Armoire 5 • Alexandre Dumas fils (1824-1895)

> Square Alexandre-Dumas (1, rue de Louvencourt) : 

Alexandre Dumas fils (1824-1895), écrivain

Alexandre Dumas naît dans une famille déjà célèbre par son père de même nom, riche et romancier réputé, auteur des “Trois Mousquetaires”, installé au château de Monte-Cristo au Port-Marly. Enfant illégitime, il en souffre dès sa petite enfance et développe une relation ambiguë, entre attirance et répulsion, envers son père qui l’a reconnu tardivement.
Négligeant ses études, il mène une vie de dandy parisien, qui l’endette fortement. Pour y remédier, il tente de vivre de sa plume. Il inaugure sa carrière en 1848 avec son roman “La Dame aux camélias”, inspiré d’une maîtresse qui n’est que la première de ses conquêtes passionnées mais passagères. Cette histoire romantique est adaptée au théâtre puis par Verdi pour son opéra La Traviata, qui propulse la renommée du second Alexandre Dumas à l’étranger.
Il marque le Second Empire de deux grandes comédies, “Le Fils naturel” et “Le Père prodigue”, dans lesquelles il exprime les ressentiments de son enfance difficile et réclame l’amour qui lui a manqué. Ses dialogues éloquents et spirituels moquent les convenances de l’époque à travers ses peintures affectueuses de la famille, satires du mariage de raison et défense du divorce.
Il vient s’installer à Marly en 1874, non loin de la résidence de Dumas père au Port-Marly. L’écrivain marlychois Adolphe de Leuven lui lègue en effet sa demeure de château Champflour, où il termine sa vie.
Cette même année 1874, Alexandre Dumas fils est élu à l’Académie française.
En 1896, son successeur André Theuriet, autre célébrité marlychoise, achève son Discours de réception à l’Académie française par cet éloge : « De même que ces chevaleresques gentilshommes dont Dumas père contait les prouesses et qui se faisaient gloire de mourir l’épée au poing, Alexandre Dumas fils est tombé comme un vrai gentilhomme de lettres, la plume à la main. »

 

Armoire 6 • Armoirie des seigneurs de Marly-Montmorency

> 11, rue de l'Église : géolocalisation

Armoiries des seigneurs de Marly-Montmorency

« D'or à la croix de gueules frettée d'argent cantonnée de quatre alérions d'azur. » Ce blason est celui des seigneurs de Marly-Montmorency, issus de l’illustre lignée des Montmorency. Établis dans les environs de Paris, ils étaient apparentés aux plus grandes familles européennes.
Leur fondateur, Bouchard Ier, reçut le titre de « Premier baron du roi », de Lothaire, roi des Francs, qui lui accorde la seigneurie de Marly par une charte de l’an 958. Au cours de la bataille de Soissons (978), combattant aux côtés du roi contre l’empereur du Saint-Empire germanique, Otton II, il s’empare de quatre étendards ennemis, que symbolisent les quatre alérions qui ornent son blason.
En 1087, Hervé de Montmorency, arrière-petit-fils de Bouchard Ier, édifie son château-fort, à l’emplacement de l’actuel groupe AXA, sur les hauteurs qui surplombent le vieux village de Marly-le-Bourg.
Un nouveau noyau urbain, Marly-le-Châtel, se développe autour de l’église édifiée conjointement au château. Cette paroisse est placée sous le patronage de saint Vigor, évêque de Bayeux. Son service est assuré par les moines de l’abbaye Notre-Dame-de-Coulombs, située dans la Beauce.
À la fin du XIIe siècle, la seigneurie de Marly se détache de celle des Montmorency, en revenant à Mathieu Ier de Marly-Montmorency, arrière-petit-fils d’Hervé, fondateur de Marly-le-Châtel. Il accroît la renommée de sa famille en prenant part aux troisième et quatrième croisades et en combattant les Albigeois aux côtés de Gui II de Lévis.
En 1357, la lignée des Marly-Montmorency s’éteint avec Louis de Marly. La seigneurie revient alors aux petits-fils d’Isabelle de Marly : Bertrand Ier et Thibaut II de Lévis

 

Armoire 7 • Pierre Bourdan au micro de Radio Londres (1940-1944)

> Rue Pierre Bourdan : 

Pierre Bourdan au micro de Radio Londres (1940-1944)

Pierre Bourdan est « né » à Londres le 3 août 1940. Il est le pseudonyme d’un journaliste français, né à Perpignan le 12 mai 1909, sous le nom véritable de Pierre Maillaud. Il commence sa carrière en 1924 au Moniteur de l’Afrique du Nord puis intègre, en 1931, les services étrangers de l’agence de presse Havas, qui le nomme l’année suivante sous-directeur de sa succursale de Londres.
Pierre Maillaud y rencontre Charles de Gaulle au lendemain de l’Appel du 18 juin. Impressionné par ce général français, il se met au service de la France Libre pour laquelle il crée « un réseau français d’information mondiale », l’Agence française indépendante, et intègre le service français de la BBC où il prend le micro pour diffuser des chroniques, le « Commentaire des nouvelles », participer à la « Discussion des Trois Amis » avec Jacques Duchesne et Jean Oberlé, et surtout incarner la Voix de la France Libre de l’émission « Les Français parlent aux Français ».
À la Libération, Pierre Bourdan s’engage en politique dans les rangs de l’Union Démocratique et Socialiste de la Résistance (UDSR). Sous la IVe République, il est nommé ministre de la Jeunesse, des Lettres et des Arts chargé de l’Information où il oeuvre au rétablissement de la liberté de la Presse. Il décède accidentellement en mer, le 13 juillet 1948, au Lavandou.
C’est à Marly, chez son ami et éditeur Pierre Trémois ou à l’hôtel du « Roi Soleil », que Pierre Bourdan entreprend l’écriture de ses Carnet des jours d’attente et Carnet de retour, témoignages de son engagement dans la France Libre.
C’est à Marly, enfin, qu’il est inhumé dans une sépulture édifiée à l’aide d’une souscription nationale lancée à l’initiative de son ami, François Mitterrand.

 

Armoire 8 • Méditerranée, d'Aristide Maillol

> 5, rue Thibault : 

Méditerranée, d'Aristide Maillol (1861-1944), sculptée dans son atelier à Marly en 1905

Maurice Denis, peintre du mouvement des nabis, établi à Saint-Germain-en-Laye, présente en 1904 Aristide Maillol au comte Harry Kessler, esthète et grand collectionneur d’œuvres d’art. En visite dans l’atelier d’été d’Aristide Maillol, installé l’année précédente à Marly-le-Roi, chemin de la Mare Thibault, le comte allemand remarque un dessin de femme, qu’il commande aussitôt en pierre, avec deux autres statues, “Le Cycliste” et “Le Désir”.
Ainsi débute en 1905 le processus de création de “Méditerranée” qui donnera lieu à plusieurs versions.
Dans un mouvement dit de « retour à l’ordre » dans lequel les formes du corps sont tracées de manière plus épurées, à contre-courant du style de Rodin, auquel “Le Cycliste”, à la musculature ciselée avec détails, se rapporte davantage, cette œuvre est considérée comme la première sculpture moderne de l'art statuaire du XXe siècle. Façonnée initialement en plâtre en raison de ses dimensions imposantes, elle reçoit un succès immédiat au Salon d’automne de 1905, et inspire à André Gide cette réflexion : « Elle est belle, elle ne signifie rien, c'est une œuvre silencieuse ».
À la suite de la version en calcaire destinée à Kessler, Maillol en livre une autre en marbre commandée par l’État en 1923, qui rejoint le jardin des Tuileries en 1929. Une copie en bronze, fondue par l’État après 1959, avec l’accord de Dina Vierny, muse de Maillol, est installée depuis 1964, à l’initiative du ministre de la Culture, André Malraux, dans le jardin du Carrousel du Louvre.

 

Armoire 9 • Xavier Boniface dit Saintine

> 1, rue du Champ des oiseaux (à l'angle de la rue Saintine) : 

Xavier Boniface, dit Saintine (1798-1865), écrivain et poète

Xavier Boniface (1798-1865) naît au lendemain de la Révolution française dans une modeste famille d’artisans cambrésiens. Il étudie la médecine à Paris avant de rejoindre sa vocation littéraire.
Alors qu’il sert parmi les « Marie-Louise », ultimes réserves de Napoléon Ier pour sauver la France de la défaite de 1814, il rencontre l’écrivain Émile Scribe, autre étoile montante de l’art dramatique, qui lance sa carrière.
Sous le pseudonyme de « Saintine », nom du village picard où sa mère est née, il publie près de deux cents œuvres : comédies, vaudevilles, poèmes, odes, romans, contes.
Sa création prolifique connaît un immense succès populaire de la Restauration au début du Second Empire. Son théâtre est une caricature plaisante de la vie conjugale. Éloge de la nature à travers l’amour singulier d’un prisonnier pour une fleur, son roman “Picciola”, paru en 1836, est réédité une cinquantaine de fois au cours du siècle, traduit dans la plupart des langues européennes, et lui vaut de recevoir la Légion d’Honneur.
La renommée enrichit Saintine et lui permet d’acheter sa demeure marlychoise, aujourd’hui disparue, qu’il baptise « Le Champ des Oiseaux ». Il exprime son attachement pour son lieu de résidence en célébrant ses légendes et son paysage, qu’il qualifie d’« Helvétie de banlieue », d’« Alpes marlésiennes » (“Le chemin des écoliers”).
Bon vivant, chaleureux et spirituel, aimé de tous, il laisse le souvenir local du « roi bourgeois de Marly ».
Au cimetière Henri-Bouilhet, sa sépulture porte quelques-uns de ses vers : « Une fleur, un insecte suffisent / Pour proclamer Ta Toute Puissance / Et révéler à l’Homme / Sa destinée future ».

 

Armoire 10 • Épître à mon caveau, de Jean-François Ducis (1733-1816)

> 21, rue du Bel Air : 

Épître à mon caveau, de Jean-François Ducis (1733-1816)

Né à Versailles, le 22 août 1733, d’un couple de modestes artisans du duché de Savoie, Jean-François Ducis parvient à se hisser parmi les célébrités littéraires des règnes de Louis XV et Louis XVI.
Le talent de Ducis est d’adapter les chefs-d’œuvre de dramaturges antiques et de Shakespeare : Macbeth, Hamlet, Le Roi Lear. On joue à la Comédie française son théâtre bourgeois et larmoyant, qui émeut la noblesse française, pour laquelle il fait dire dans Othello : « Mais moi, fils du désert, moi, fils de la nature, / Qui dois tout à moi-même et rien à l’imposture, / Sans crainte, sans remords, avec simplicité, / Je marche dans ma force et dans ma liberté. »
Dévoué serviteur de la monarchie, Ducis devient le secrétaire de Monsieur, frère du roi, le comte de Provence, puis rejoint les Immortels de l’Académie française en 1778, prononçant l’éloge de Voltaire.
Durant la Terreur révolutionnaire (1793-1794), il manifeste sa bonté en dépensant toute son énergie pour délivrer le curé de Rocquencourt, promis à la guillotine.
Il possédait à Marly une maison, dont le lieu est aujourd’hui perdu, où il aimait se détendre.
Pieux catholique, chantre de la nature et bon vivant, il rappelle dans ces vers le temps où les coteaux de Marly se couvraient de vignes, avant que le phylloxéra n’entraîne leur disparition à la fin du XIXe siècle. Comme partout en région parisienne, on y produisait un « petit vin » consommé localement, que l’on entreposait dans les « feuillettes », tonneaux de 134,11 litres.
Comblé par le retour de Louis XVIII qui lui remet la Légion d’Honneur, « le bon Ducis » s’éteint paisiblement dans sa propriété de Versailles, le 31 mars 1816.

 

Armoire 11 • La rue de Montval (carrefour de la croix)

> Rue de Montval : 

Épître à mon caveau, de Jean-François Ducis (1733-1816)

Si elles ont désormais pratiquement toutes disparues de l’espace urbain, les croix de carrefour étaient encore nombreuses à Marly-le-Roi au milieu du XIXe siècle. L’établissement d’un espace cultuel aux carrefours routiers était une pratique extrêmement ancienne puisqu’elle était héritée de la tradition romaine. Ceux-ci y installaient un autel portant une petite sculpture afin d’honorer les Lares compitum, divinités protectrices des carrefours. Avec la christianisation de l’empire romain, les statuettes païennes laissèrent la place à des croix.
L’historien marlychois Camille Piton rapporte leur souvenir dans son Histoire de Marly publiée en 1904. Ainsi, nous rappelle-t-il qu’une croix était présente sur chacune des places centrales de Marly-le-Bourg, place de la Vierge, et de Marly-le-Chastel, actuelle place Charles Lebrun.
Une autre se situait au niveau de l’ancienne porte de la forêt créée à la fin du XVIIe siècle, route de Saint-Cyr. L’entrée septentrionale de Marly-le-Chastel était gardée par la Croix du château, aussi appelée Croix Rouge, sur la place Louvencourt.
En direction de L’Étang-la-Ville au croisement de la rue Saintine avec le chemin de l’Auberderie, se trouvait la Croix du Champ-des-Oiseaux, dite aussi Croix des Vaux. Suivant la rue Saintine jusqu’au chemin des Hauts-Picards, en contrebas du pont, était situé la Croix Maurice.
Enfin, le carrefour de la Croix, rue de Montval, désigne la croix érigée en 1822 pour célébrer le rattachement du hameau de Montval à la commune de Marly. La Croix Rouge est la dernière représentante de cette tradition urbaine héritée du Moyen Âge.

 

Armoire 12 • Les papiers de Montval, de Gaspar Maillol (1880-1946)

> 71, rue de Montval : 

Le papier Montval, de Gaspard Maillol, inventé à Marly en 1911

Au début du XXe siècle, l’industrie papetière est dominée par la fabrication du papier moderne, un produit peu coûteux mais de petite qualité, réalisé à partir de bois et de compléments chimiques.
Deux personnages choisissent alors de revenir à un papier de luxe digne des livres d’art des XVIe et XVIIe siècles : un artiste renommé, le sculpteur-statuaire Aristide Maillol, et son mécène, le collectionneur d’art de nationalité allemande Harry von Kessler. Leur « papier chiffon » est élaboré en 1911 sans composants chimiques à partir de chanvre ou de lin, ce qui offre une feuille plus riche, plus solide, plus matérielle.
Maillol fait appel à son neveu papetier, Gaspard, pour la fabrication. Ils installent d’abord leur atelier dans une remise de leur jardin marlychois, puis construisent une fabrique au hameau de Montval, qui fournit son nom au papier. À l’intérieur de cette bâtisse, la famille d’artisans carde les fibres de chiffons usés, les nettoie, les mélange dans une cuve pour former une pâte qui, étalée sur une planche, finit par constituer une feuille solide que l’on fait sécher au plafond.
La guerre de 14-18 porte un coup d’arrêt brutal à cette entreprise florissante : les villageois accusent Maillol de renseigner un espion allemand ; son atelier est saccagé puis mis en vente par la justice militaire. Malgré cette catastrophe, Gaspard relance la production au Mans, comme l’illustre cette gravure représentant l’intérieur de l’usine.
Pour faire face à la concurrence, l’artisan choisit de s’associer à la firme Canson & Montgolfier en 1925, déplaçant ainsi sa production dans l’usine d’Annonay, dans l’Ain.

 

Armoire 13 • La Famille Duraton, de Christian Stengel (1902-1986)

> Avenue Paul-Cézanne (près du 2, allée Claude Monet) : 

La Famille Duraton (1939), film de Christian Stengel, réalisateur marlychois

La Famille Duraton est un film tourné en 1938 par le réalisateur marlychois Christian Stengel, avec Noël-Noël, Jules Berry et Blanchette Brunoy. Né à Marly le 22 septembre 1902, il réalisa de nombreuses collaborations avec son cousin, le célèbre auteur-compositeur Jean Gacon, plus connu sous le pseudonyme de Jean Solar pour être l’arrangeur de la chanson Je chante qui a lancé la carrière de Charles Trenet.
Christian Stengel se fait d’abord connaître en tant que scénariste du grand réalisateur Pierre Chenal dans “Le Martyre de l’obèse” (1933), “Crime et Châtiment” (1935) et “L’Homme de nulle part” (1937), dont il fut également le producteur. Il produisit également de grands réalisateurs comme Abel Gance avec “Un Grand Amour de Beethoven” (1936) et Jean Delannoy pour “Pontcarral, Colonel d’Empire” (1942).
En tant que réalisateur, son œuvre est inspirée par les grands faits de société de son temps, ce qui lui apporte un immense succès populaire. Avec “Je chante”, il amplifie la popularité de Charles Trenet.
Quelques scènes de ses films sont tournées à Marly. Ainsi, pour son pamphlet à l’encontre des concours de beauté, “La Plus Belle Fille du Monde” (1951), il filme la séquence d’introduction devant sa propre maison de la rue de la Montagne au hameau de Montval.
Pour “La Famille Duraton”, Stengel installe sa caméra au garage de la gare de Marly où l’on peut encore reconnaître à l’image le « garage Massard ». Il adapte ici le feuilleton radiophonique à succès du même nom créé par Radio-Cité en 1936. Des millions de Français ont ainsi pu s’identifier aux péripéties des membres de la famille Duraton racontées chaque soir autour du dîner jusqu’en 1966.

 

Armoire 14 • Affiche promotionnelle Charles Gervais (1932)

> Avenue de Saint-Germain : 

Affiche promotionnelle Charles Gervais (1932)

C’est le 2 septembre 1928 que Charles Gervais s’installe à Marly-le-Roi. Il achète alors le vaste domaine, dit « des vergers fleuris », constitué par le joailler et créateur de bijoux, Louis Georges Auger. À partir de 1924, ce dernier y a fait bâtir une villa de type anglo-normand dessinée par l’architecte Jacques Savary.
Charles Gervais (1882-1962) est le descendant du prestigieux inventeur du fameux Petit Suisse, Charles Louis Gervais (1826-1893). Ce dernier s’est associé à Sophie-Julie Héroult pour acheter, en 1852, une laiterie à Ferrières-en-Braie en Normandie et y produire une recette de fromage frais originaire du canton de Vaud en Suisse. Charles met en oeuvre le transport en moins de 24 heures de ses produits à Paris grâce à un réseau de calèches qui apportent le fromage frais dans un atelier où ils sont moulés, garantissant l’excellente fraîcheur de ses Petits Suisses.
Son fils, Jules Charles Gervais (1851-1883), modernise l’emballage en entourant les portions de 60g du fameux papier Joseph, à usage unique, inventé par Joseph-Michel Montgolfier en 1777, qu’il vend par 6 dans des boites en bois de peuplier.
Quant à Charles Gervais, petit-fils de l’inventeur, il se distingue par l’introduction en France de la recette de la barre de glace enrobée de chocolat fixée à un bâtonnet en bois, inventée en 1919 par l’Américain Christian K. Nelson, sous le nom d’Eskimo Pie. L’Esquimau Gervais reçoit un franc succès auprès des Parisiens lors de l’exposition coloniale de 1931.
Charles Gervais décède à Marly-le-Roi le 14 mai 1962.

 

Armoire 15 • André Theuriet, poème extrait du recueil Au coin du feu (1859)

> Avenue du Président J. F. Kennedy : 

André Theuriet, poème extrait du recueil Au coin du feu (1859)

Claude Adhémar Theuriet, dit André Theuriet, est né le 8 octobre 1833 dans une petite maison de la rue des Vaux. Son père, Pierre Theuriet, était receveur de l’enregistrement aux Domaines. Sa mère, Marie-Louise Garnier, était d’origine Lorraine.
En 1834, il déménage au numéro 16 de la rue Coustou. La mère d’André Theuriet se languissant de son pays natal, Pierre Theuriet obtint en 1838 sa mutation pour Bar-le-Duc. André gardera cependant un vif souvenir de ses promenades sous les châtaigneraies de Marly.
Suivant les traces de son père, il entre à la direction des Domaines d’Auberive (Haute-Marne) en 1856. Il déroule sa carrière jusqu’à devenir chef de bureau à l’enregistrement au ministère des Finances en 1863, tout en publiant nouvelles et poèmes à la Revue des deux Mondes. Il se fait remarquer en 1867 pour son recueil de poèmes, Le Chemin des bois, poèmes et poésies, récompensé par l’Académie française.
Son élection, au fauteuil d’Alexandre Dumas fils couronne, en 1896, sa carrière d’écrivain toute consacrée aux thèmes naturalistes. Suivant la veine de Georges Sand et Emile Zola, il dépeint avec réalisme la vie des terroirs dans un langage à la fois frais et policé, qui fait dire aux critiques de son temps que « ce sont des pensées aimables et gracieuses, traduites dans un langage toujours honnête et décent ».
Décédé le 23 avril 1907, le conseil municipal de Marly décide d’honorer l’enfant du pays en rebaptisant de son nom la rue Neuve en 1912.

 

Armoire 16 • “Signal” d'André Bloc (1896-1966)

> Avenue de l'Amiral Lemonnier, centre commercial des Grandes Terres : 

Signal, sculpture d’André Bloc (1896-1966)

L’ensemble immobilier des Grandes Terres, construit à partir de 1956, est l’œuvre du promoteur André Manera et de l’architecte Marcel Lodz.
Ayant participé à la création de la Charte d’Athènes, publiée en 1941, sous la direction de Le Corbusier, Marcel Lodz s’efforça de mettre en pratique les préceptes ainsi définis d’habitation moderne. Le logement ne doit plus être pensé de manière indépendante mais comme le lieu central de la vie des individus dans un ensemble plus vaste de services quotidiens indispensables où l’on trouve les écoles, les commerces, les services publics et les espaces de loisirs.
Poursuivant dans cet esprit, André Manera fait appel à l’architecte et artiste André Bloc (1896-1966) pour réaliser une sculpture monumentale dans le patio d’eau et de verdure du centre commercial. Ingénieur, architecte, sculpteur et éditeur, il inscrit toute son action dans l’intégration des arts plastiques dans les œuvres architecturales en s’inspirant des préceptes de Le Corbusier. Il dirige de nombreuses revues, dont “L’Architecture d’aujourd’hui”, et crée le groupe Espace rassemblant des artistes et des urbanistes en 1951.
André Bloc signe à Marly une œuvre haute de 13 mètres réalisée en tubes d’acier inoxydable, de laiton et de cuivre jaune et rouge, qu’il intitule “Signal”. Elle semble directement inspirée de l’une des sept tapisseries de l’artiste, tissée par la manufacture Tabard à Aubusson et intitulée Structure, à laquelle il emprunte les entrecroisements de lignes droites.
Prématurément usée, elle est restaurée sous la pression de l’artiste Victor Vasarely, figure de proue du courant « Op Art » ou « Art optique », en 1977, avant d’être démontée en 1993 à l’occasion de la restructuration du centre commercial.

 

Armoire 17 • Villes jumelées européennes

> Avenue de l’Europe : 

Méditerranée, d'Aristide Maillol (1861-1944), sculptée dans son atelier à Marly en 1905

La politique de jumelage marlychoise est lancée à partir de 1952 par Raymond Gilles, à l’heure de la réconciliation franco allemande, portée aussi par des initiatives intercommunales. Le désir de consolider la paix, le souhait de redonner une place à l’Europe dans le monde, l’engouement pour une réconciliation franco-allemande finissent par l’emporter sur les vieilles rancunes des guerres.
Parmi des délégations de maires étrangers, Raymond Gilles participe aux États généraux des communes d’Europe en 1958, voyage à plusieurs reprises en Allemagne et tombe sous le charme de Leichlingen, commune située près du Rhin, entre Düsseldorf et Cologne, qui a pour point commun avec Marly la culture d’arbres fruitiers.
Signé en 1964, le jumelage se développe d’abord à travers l’école, lors de voyages d’élèves à l’occasion des fêtes, puis grâce aux associations culturelles et sportives qui souhaitent partager leurs passions : tournois de football entre les équipes locales, tournées des troupes de théâtre et des chorales chez le pays voisin…
Pour compléter le « triangle » européen, Marly trouve un partenaire britannique en 1972 avec Marlow-on-Thames, ville qui, outre sa ressemblance homonymique avec Marly, se situe aussi à proximité d’un grand fleuve et d’une capitale.
Afin de renforcer les liens amicaux et associatifs, des cours de langues sont dispensés aux adhérents de l’association « Les Amis du jumelage ». Plus récemment, en 1996, la communauté portugaise marlychoise obtient un troisième partenariat de la commune avec Viseu, cité de la province centrale de la Beira.

 

Armoire 18 • La gavotte de Marly

> Rue de Fontenelle : 

La Famille Duraton (1939), film de Christian Stengel, réalisateur marlychois

Lorsque le chorégraphe, professeur et historien de la danse, Salomon Henri de Soria, publia en 1887, une danse intitulée Gavotte de Marly, celle-ci ne reçut guère les faveurs du Dictionnaire de la danse, dont l’auteur accusait à la fois sa trop grande complexité et son absence d’historicité. Cependant, si cette chorégraphie apparaît comme une nouvelle composition, elle fait explicitement référence à une danse écrite au XVIIe siècle en témoignage du rayonnement culturel international dont jouissait Marly depuis que le Roi Soleil y avait jeté son dévolu.
C’est en effet à Salzbourg en 1698 que fut publiée, au sein du Gratie Hospites, sixième fascicule de ses Florilegium Secundum, la Bourrée de Marly imitée. Elle est l’oeuvre du maître de la chapelle de l’évêque de Passau en Bavière, Georges Muffat.
Élève de Jean-Baptiste Lully de 1663 à 1669, Muffat étudie et diffuse les courants musicaux de style français. Lully, qui donne son premier concert à Marly le 7 août 1689, et Pierre Rameau développent la musique dansée pour les opéras où s’expriment tour à tour Menuets, Gigues, Bourrées, Gavottes, Gaillardes, Passacailles, Sarabandes… Chacune de ces danses, issues de traditions régionales, se distinguent, parfois difficilement, par une mesure, un rythme et un pas particuliers.
Georges Muffat intègre également ces musiques dansées dans son répertoire et compose en l’honneur de Marly une bourrée, danse à deux mesures d’origine auvergnate. 
Soria nous offre son « pas marché de la Gavotte de Marly [qui] s’exécute de la façon suivante : soit, par exemple, trois pas marché du pied droit ; poser le pied droit à terre au premier temps de la mesure, faire suivre le pied gauche, puis le pied droit d’un pas marché ordinaire, on a ainsi exécuté ces trois pas. ».

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